Un point sur les actions de démocratie participative menées sur la ville d’Issy-les-Moulineaux.
Le Collectif Ecolo&Social a choisi de faire sa deuxième tribune de l’année dans Point d’Appui sur le thème de la démocratie locale. Chacun peut avoir un avis sur le débat qui compare la démocratie représentative et la démocratie participative. Mais à l’échelle d’une ville, il est possible d’avoir une compréhension plus concrète des enjeux. Alors, faisons le point ensemble.
D’abord, le constat :

A Issy-les-Moulineaux, lors des dernières élections municipales, le pourcentage d’abstentions a été de 61 % (supérieure à la moyenne nationale de 55%). Il y a eu un contexte très particulier certes, mais pour la première fois, moins d’un électeur sur deux s’est déplacé pour élire l’équipe municipale. Il ne s’agit pas de relativiser les résultats. Ils sont ce qu’ils sont. Mais, il ne faut pas imaginer qu’Issy est protégé de ce problème global d’abstention.
Les causes sont multiples : La très grande personnalisation du pouvoir sur le Président de la République, la faible influence de l’Assemblée Nationale dans le processus de décision et son décalage avec la pluralité des opinions sont certainement source de démobilisation des électeurs au niveau national. La France a un rendez-vous démocratique tous les 5 ans, et pas grand-chose le reste du temps. Il en est sans doute de même au niveau local, où on donne les clés de la ville au maire pour 6 ans, voire pour 40 ans…
Cette évolution est aussi liée à la professionnalisation de la carrière politique, les détenteurs de pouvoirs ayant tendance à se coopter. Comme on s’en remet aux « sachants », à cause de la complexité croissante de notre monde. Cela entraîne d’abord notre déresponsabilisation, puis notre désintérêt. Les électeurs se transforment en consommateurs de services publics, puis en clients. La faible prise en compte de la pluralité des opinions induit, aussi, un sentiment d’absence d’écoute, d’impuissance et de frustration. Les crises sociales récentes comme celle des Gilets Jaunes ou les grèves et manifestations (SNCF, retraites) sont un autre signe du décalage entre un exécutif qui ne veut pas démordre de son projet et la population qui a l’impression de ne pas pouvoir se faire entendre. Rétrospectivement, les expériences du Grand Débat puis de la Convention Citoyenne montrent la difficulté de mener ces démarches participatives à leurs termes.
Une fois le constat établi, les élus ont, depuis quelques années, pris des initiatives pour lutter contre cette désaffectation. A Issy-les-Moulineaux notamment, différents outils ont été mis en place. Comme plusieurs d’entre eux ont été activés récemment, il est opportun d’en faire le bilan.
- D’abord, les Conseils de Quartiers viennent d’être renouvelés. Il y en a 4 sur la ville (soit plus de 15 000 habitants par quartier). Ces Conseils comprennent 18 membres (6 conseillers municipaux, 4 citoyens élus par Internet et 8 autres, représentants d’associations ou d’organismes désignés par le maire). Le maire a refusé une désignation proportionnelle des conseillers municipaux. Cela aurait permis aux listes d’opposition d’avoir dans chaque Conseil un membre observateur, garantie de pluralité. Dommage ! Les élections des 4 citoyens élus directement viennent d’avoir lieu. Le nombre de candidats a doublé entre 2014 et 2020, passant de 50 à 103. C’est bien. Par contre, lorsque la Mairie annonce un taux de participation de 76 %, il faut prendre garde, parce qu’il fallait se préinscrire pour pouvoir voter. Donc, 76 % des personnes ayant eu l’intention de voter l’ont effectivement fait. Le « vrai » taux de participation, par rapport aux électeurs inscrits, est en fait de… 2,7 % !!! (1223 votants sur 45 000 inscrits) Il reste donc des progrès à faire pour que les isséens s’emparent de cet organe de représentation.
- Le Maire a lancé, cet automne, une consultation intitulée « Conversations citoyennes ». D’abord, il faut remarquer qu’elle a suscité 6 855 réponses, soit beaucoup plus que les Conseils de Quartier. Ce format, où il est possible de donner directement son opinion, est donc beaucoup plus attractif pour les isséens. Sur les actions pour lutter contre le réchauffement, derrière une action plébiscitée très largement, le renforcement de la bio-diversité, les quatre suivantes regroupent chacune un peu plus d’un tiers des avis (il était possible de choisir jusqu’à 3 actions). Dans Point d’Appui, la Mairie juge ainsi que « seul un peu plus d’un tiers des répondants (35%) milite pour le déploiement d’un plan vélo ». Ces « militants du vélo » sont quand même 2 400, soit 2 fois plus que tous les votants aux Conseils de Quartiers !

- Un autre outil de participation citoyenne est le « budget participatif ». Un nouvel appel à projets a eu lieu l’an dernier. Lors du précédent exercice, on avait remarqué que les porteurs de projets étaient fréquemment exclus ensuite de la mise en œuvre de leur projet, ce qui a parfois réduit l’impact escompté. Nous avons remonté le message en conseil municipal que la mise en œuvre devait pouvoir être suivie par l’initiateur du projet. Il semble que cela se passe mieux cette fois-ci. Bravo. A suivre.
- Pour mémoire, la ville considère également avoir mis en place un autre outil participatif avec le CESEL (Comité Économique Social et Environnemental Local). Tous les membres étant choisis par le maire, la démarche paraît être plus proche des relations publiques auprès du milieu économique ou d’un club de sympathisants que de la démocratie participative.
Quel bilan tirer de ces outils de participation mis en œuvre à Issy ?
La pression pour garder le contrôle est forte, que ce soit sur la composition des Conseils de Quartiers ou sur l’interprétation des résultats des Conversations Citoyennes. Il est encore difficile pour les détenteurs du pouvoir ou du savoir de prendre en considération les avis citoyens. Pourtant, susciter un espoir et le décevoir ensuite est aussi néfaste que de ne pas créer d’espoir du tout.
Ensuite, il est important de sortir des oppositions entre différents usages. L’exemple typique est la rivalité entre cyclistes, automobilistes et piétons. En y réfléchissant, beaucoup d’entre nous sommes les trois. La question du partage de l’espace public, en particulier entre ces trois modes de mobilité, est un aspect essentiel de la transformation prochaine de nos villes. Si chacun se positionne en « consommateur » d’un mode ou d’un autre, cela va être beaucoup plus difficile de réussir ce changement, qui forcément implique des contraintes.
Cela revient à la question initiale du : « Pourquoi la démocratie participative ? »
Si c’est pour se donner bonne conscience ou chercher une justification a posteriori de décisions déjà prises, s’il s’agit de faire comme tout le monde ou de pouvoir communiquer dans le registre de l’autocongratulation, cela ne réglera pas le malaise de certains de nos concitoyens, ne réduira pas l’abstention et surtout ne permettra pas de mener à bien les projets de transformation qui sont face à nous.
Regardons aussi autour de nous les initiatives qui marchent. Par exemple, les projets initiés par l’équipe de l’architecte Patrick Bouchain regroupés sous le label de « La preuve par 7 ». Et il n’est besoin d’aller très loin puisqu’un des 7 projets se déroule à Bagneux, avec une démarche de co-construction d’un lycée et du quartier environnant. Ici, l’architecte abandonne volontairement son habit de « sachant » pour accompagner les habitants à imaginer leur futur cadre de vie.
Comment ne pas faire le parallèle avec l’aménagement du Forum des Epinettes, pour lequel Issy a dépensé 3 millions d’euros et qui a été inaugurée dans la précipitation, un mois avant les élections municipales (notons que cette précipitation à terminer avant l’échéance électorale a induit de nombreuses malfaçons qui sont encore en cours de reprise…). Ce projet avait bien commencé avec des rencontres avec les habitants. Puis, ce dialogue s’est interrompu, et depuis l’ouverture, beaucoup d’habitants déplorent que ce qu’ils avaient imaginé n’ait pas pu être réalisé. Les « sachants » ont eu besoin de reprendre le contrôle. Il est difficile de contenter tout le monde. Commençons par dialoguer jusqu’au bout.
Nos propositions de campagne sur ce thème de la démocratie sont toujours disponibles sur notre site… et sont toujours d’actualité :
POUR UNE DÉMOCRATIE LOCALE OUVERTE
FAIRE D’ISSY-LES-MOULINEAUX UN MODÈLE DE COMMUNE DÉMOCRATIQUE