Au conseil municipal de ce jeudi 13 octobre 2022, la majorité a choisi d’inscrire à l’ordre du jour les accusations d’agression sexuelle et harcèlement dont le maire fait l’objet, en lui accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle. Comme nous l’avons rappelé lors de notre prise de position pendant le conseil, il n’est pas question de « préjuger de la véracité des allégations de chacune des parties en cause ». Il y a d’un côté la présomption d’innocence et de l’autre la présomption de sincérité de la parole des victimes. Un conseil municipal et la ville ne doivent pas se transformer en tribunal et prendre parti pour l’un ou pour l’autre ; l’agent municipal et l’élu ont tous deux le droit d’accès au mécanisme de protection fonctionnelle.
En quoi consiste cette protection fonctionnelle exactement ?
C’est une obligation pour l’État et les administrations territoriales d’assurer la défense de leurs agents et élus qui subissent des attaques dans le cadre de leurs fonctions. La délibération soumise au vote fait référence à des « poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions ».
Il est important de ne pas négliger les suites possibles prévues par la justice administrative : si le juge reconnait le caractère détachable et personnel de la faute de l’élu, la collectivité locale est ainsi fondée à se retourner contre celui-ci pour obtenir le remboursement des sommes qu’elle a exposées dans le cadre de cette procédure.
Lors du conseil, nous avons interpellé la majorité sur l’efficacité de nos « mécanismes de signalement, d’accompagnement et de protection des victimes potentielles, quelle que soit la position des personnes impliquées ». Il nous a été répondu que les agents ayant porté plainte n’avaient pas utilisé le cahier de signalement mis à disposition à la DRH de la ville, ni demandé à la même DRH la consultation d’un psychologue. Cette réponse est à mettre en perspective de l’évolution des pratiques dans les grandes entreprises et organisations qui mettent en place des plateformes de signalement indépendantes de la structure hiérarchique, car il est désormais clair que ce n’est pas dans le cadre de l’organisation classique que les victimes peuvent exprimer leurs difficultés.
L’actualité récente donne des exemples d’hommes politiques qui ont été l’objet d’accusations du même ordre et se sont mis en retrait de leurs fonctions représentatives ou exécutives a priori, avant même que les procédures judiciaires ne soient engagées. Il y a un vrai débat de société à avoir pour que n’apparaissent pas des formes d’inquisitions, parallèles au pouvoir judiciaire. Inversement, les délais très importants de traitement des dossiers par la justice ne peuvent pas donner une forme d’impunité. A nouveau, la présomption d’innocence et la crédibilité de la parole des plaignants sont deux principes fondamentaux, antagonistes et tout aussi respectables l’un que l’autre.
Dans ce contexte, l’opération de communication menée par la majorité municipale lors de ce conseil, visant à montrer publiquement que la ville d’Issy-les-Moulineaux prend parti pour la défense de son maire, met en évidence l’énorme décalage avec la société post « Me too ». On sait désormais que les positions de pouvoir sont susceptibles de conduire à des actes graves de harcèlement ou d’agressions. Visiblement, tout le monde n’a pas pris la mesure de cette évolution de la société, localement.
En conclusion :
Accorder la protection fonctionnelle ne préjuge rien sur la véracité des accusations et dans l’éventualité d’une condamnation, nous demanderions le remboursement des sommes avancées par la ville.
La ville n’offre pas à son millier d’employés un cadre sécurisé de signalement d’abus, harcèlement ou agressions. On peut ignorer le constat ou bien choisir de traiter le sujet, au moins pour l’avenir.
D’autres maires suspendent leurs fonctions exécutives dans ce type de situation.